Le 20 avril 2020, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et Benny Gantz ont formé un gouvernement d’urgence sous prétexte de la crise du COVID-19. Au cœur de leur accord figure l’annexion formelle de la vallée du Jourdain et des colonies israéliennes, qui représentent une partie conséquente de la Cisjordanie occupée. Ce projet intervient dans la continuité du « plan de paix » proposé par le président américain en janvier 2020 et il pourrait se concrétiser dès le 1er juillet.
Une annexion survient quand un Etat incorpore un territoire qui ne lui appartient pas à son propre territoire. En l’occurrence, l’Etat israélien projette, par un acte législatif, d’incorporer à son territoire une grande partie du Territoire palestinien qu’il occupe depuis 1967 ; soit la vallée du Jourdain (30% de la Cisjordanie) et de nombreuses colonies installées en Cisjordanie.
Une telle décision unilatérale est illégale et ne change en rien les obligations de l’Etat d’Israël envers la population palestinienne occupée. C’est-à-dire que les autorités israéliennes sont toujours soumises aux règles du droit international humanitaire et des droits de l’Homme. Les colonies israéliennes demeurent également illégales, qu’un territoire soit occupé ou annexé.
A noter que, lorsque la puissance occupante (Israël) créé sur le terrain des conditions rendant toute installation impossible pour la population occupée, elle opère une annexion de facto qui est tout aussi illégale que l’annexion formelle ou de jure (qui nécessite un acte législatif).
Depuis plusieurs années, les organisations de la société civile qui opèrent en Palestine, qu’elles soient palestiniennes, israéliennes ou internationales, observent qu’une annexion de facto est en cours. C’est-à-dire que les autorités israéliennes n’ont cessé de s’accaparer des terres palestiniennes et de coloniser la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est (qui est, elle, déjà annexée formellement depuis 1980). Elles n’ont cessé de provoquer des transferts forcés par des démolitions, des expropriations, des systèmes complexes de permis etc. Aujourd’hui, plus de 250 colonies sont établies en Cisjordanie où vivent près de 650 000 colons israéliens. Ces dix dernières années, près de 10 000 personnes ont été déplacées à cause de 6 347 démolitions illégales.
Ces dernières années, le gouvernement israélien a également multiplié les actes législatifs pour transférer sa souveraineté et sa juridiction sur des parties de la Cisjordanie ; un élément essentiel d’une annexion.
En réalité, l’annexion de jure accélérerait les plans de colonisation israéliens et aggraverait des violations des droits fondamentaux subies par la population palestinienne de façon continue depuis plus de 50 ans : démolitions, restrictions à la liberté de circulation, transferts forcés, arrestations, assassinats extra-judiciaires. Ces derniers jours, des soldats israéliens ont tué deux civils palestiniens qui ne posaient aucune menace, dont un jeune autiste qui se rendait dans son école spécialisée (à Jérusalem-Est, annexée). De tels actes inhumains ne peuvent advenir que dans une situation d’occupation et de colonisation enracinée, et l’annexion ne ferait qu’envenimer ce contexte.
L’annexion d’une partie conséquente de la Cisjordanie mettrait officiellement un terme à la solution des deux États, prônée notamment par la France et l’UE. Les chances d’arriver à un règlement juste et durable de la question israélo-palestinienne seraient donc considérablement amoindries. Les conséquences régionales de l’annexion israélienne sont également des questions qui se posent du point de vue géopolitique.
En outre, l’annexion israélienne constituerait un nouvel acte unilatéral et une violation flagrante du droit international par Israël. Si la communauté internationale ne réagit pas fermement pour empêcher cette annexion ou la laisse advenir de manière impunie, c’est sa crédibilité qui serait remise en question, et même le droit international qui serait mis en péril. Une annexion sans conséquences créerait un précédent dangereux dans le reste du monde.
Pour le moment, les Etats européens n’ont pas annoncé de mesures concrètes face aux plans d’annexion israélien. Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a appelé les autorités israéliennes à « s’abstenir de toute mesure unilatérale qui conduirait à l’annexion de tout ou partie des Territoires palestiniens » et a averti qu’une telle décision « ne pourrait être sans conséquence sur les relations de l’Union européenne avec Israël ». Le Haut-Représentant pour les affaires extérieures de l’Union européenne Josep Borrell a réagi de manière similaire et avait également, dès février 2020, déclaré que « la mise en œuvre, le cas échéant, des étapes vers l’annexion ne saurait se faire sans susciter de réactions ».
Visuel : destructions d’habitations par l’armée israélienne dans la vallée du Jourdain, 2016
crédit Alain Casier
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