Une sénatrice honoraire interpelle Ouest France sur Salah Hamouri.
Monique Cerisier ben Guiga
Sénatrice honoraire
Ouest-France
24 juillet 2018
Monsieur le Rédacteur en chef,
J’ai lu avec intérêt, et surprise, l’article publié le 21 juillet dernier dans votre journal sur les Français détenus à l’étranger. Sénatrice des Français de l’étranger de 1992 à 2011, j’ai eu à suivre les cas de prisonniers français détenus injustement ou justement à l’étranger et qui n’en restaient pas moins des compatriotes dignes d’être soutenus.
Comment se fait-il que le prisonnier politique français détenu à l’étranger le plus emblématique de cette période n’ait même pas été nommé dans cet article ? Il est étonnant qu’on n’évoque que les prisonniers de droit commun. La documentation du journaliste était lacunaire.
En effet, depuis le 23 aout 2017, Salah Hamouri, français par sa mère et résident palestinien de Jérusalem par son père est prisonnier en Israël sous le régime de la « détention administrative ». Cela signifie que, comme des dizaines de milliers de Palestiniens depuis 1967, il est détenu sans preuve d’une quelconque culpabilité, sans possibilité de bénéficier d’une défense contradictoire, sans jugement et que sa détention est prolongée de trois mois en trois mois.
La « détention administrative » israélienne est la forme contemporaine de la lettre de cachet de l’ancien régime français, abolie par la Révolution de 1789. La France républicaine devrait s’émouvoir qu’un tel sort soit encore celui de tant de victimes dont un Français. Est-il admissible, en effet qu’un arbitraire absolu décide ainsi du sort de personnes humaines. La détention administrative est l’un des multiples moyens de coercition que l’occupant militaire israélien utilise à l’encontre de la population palestinienne de Cisjordanie.
Salah Hamouri, qui a déjà été victime de sept ans d’emprisonnement sur la base d’un dossier d’accusation qu’Alain Juppé, alors ministre des Affaires étrangères, avait qualifié de vide, venait de terminer ses études et était avocat. Je rappelle que son épouse Elsa Lefort est française et que le jeune couple, auquel les autorités israéliennes dénient le droit à la vie commune depuis l’expulsion d’Elsa, qui travaillait pour les services français à Jérusalem, en janvier 2016, a un jeune enfant, français lui aussi.
Si un prisonnier français maintenu dans l’incertitude totale sur son sort est victime aujourd’hui d’un véritable arbitraire, du déni de droit le plus absolu et de conditions d’incarcération très pénible, c’est bien Salah Hamouri prisonnier politique.
On ne peut que s’indigner de constater que le gouvernement français ne mène aucune action efficace pour le faire libérer et que sa situation soit ignorée de la majorité des organes de presse français.
Je me tiens à la disposition de la rédaction d’Ouest France pour fournir un dossier de presse complet sur Salah Hamouri et vous prie de bien vouloir publier cette mise au point dans vos colonnes car une information trop lacunaire, même involontairement, confine à la désinformation. Ce n’est pas la ligne déontologique d’Ouest France.
Avec mes sincères salutations
Monique Cerisier ben Guiga
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