Fin mars 2018, des dizaines de milliers de Palestiniens ont manifesté à Gaza, le long de la frontière avec Israël. Ces évènements font suite à la reconnaissance de la part de l’administration américaine de Jérusalem comme capitale d’Israël. Les tensions qui en découlent et la poursuite de la colonisation israélienne en Cisjordanie créent des obstacles presque insurmontables pour une solution durable au conflit et à la crise humanitaire. Première Urgence Internationale est présente depuis 2002 en Cisjordanie et dans la bande de Gaza depuis 2009, et mène notamment des actions de plaidoyer afin de faire respecter le droit humanitaire. Désirée Ketabchi revient sur les événements récents et son rôle en tant que chargée de plaidoyer.
Suite aux manifestations à Gaza,quelle est la situation aujourd’hui en Territoire palestinien occupé ?
Si les protestations se sont apaisées à Gaza, des Palestiniens s’approchent encore de la frontière et des blessés sont à déplorer. En mai dernier dans un communiqué de presse, nous avons dénoncé l’usage excessif de la force de la part de l’armée israélienne contre les manifestants. Cette situation fait écho à la situation désespérée des Gazaouis. Les manifestants réclament leur droit au retour. Ils s’insurgent contre le blocus qui réduit leurs droits, les empêche de travailler, d’accéder aux infrastructures de base. D’une manière générale, ce blocus les étouffe dans leur vie au quotidien.
Première Urgence Internationale intervient dans la zone près de la frontière auprès des agriculteurs. Nous apportons des mesures de protection et de soutien économique pour les aider à cultiver leurs terres. Ils constatent régulièrement des dégâts dans leurs champs suite aux opérations militaires. Ces dégâts ont été encore plus importants pendant les manifestations à Gaza des derniers mois. En effet, le passage d’individus et de tanks ainsi que l’usage de gaz lacrymogènes ont endommagé les cultures. Certains agriculteurs n’ont ainsi pas pu procéder à leurs récoltes.
En Cisjordanie, la situation est plus calme au niveau sécuritaire même s’il se passe aussi énormément de choses. Nous suivons par exemple de près ce qui se passe dans le village de Khan al Ahmar. Cette communauté de bédouins est en train de se faire expulser par les autorités israéliennes, qui veulent saisir ce morceau de terre pour pouvoir relier Jérusalem aux colonies israéliennes en Cisjordanie. Leur objectif : former le Grand Jérusalem. En effet, il y a des enjeux importants autour de ce village. Sa destruction entraverait la continuité entre le nord et le sud de la Cisjordanie donc l’intégrité du territoire palestinien. En plus de constituer une grave violation du droit international, cela créerait un précédent pour d’autres populations qui sont également à risque de transfert forcé. Cela ouvrirait la voie vers l’annexion de terres palestiniennes de la part d’Israël.
Est-ce que nous nous positionnons sur ces sujets dans nos actions de plaidoyer ?
L’objectif de nos actions de plaidoyer en Territoire palestinien occupé est avant tout de dénoncer le non-respect du droit international car celui-ci provoque des crises humanitaires. Nous voulons que les Etats s’engagent à respecter ou à faire respecter le droit international. Pour cela, nous travaillons avec d’autres ONG partenaires et les Nations Unies afin d’élaborer des messages communs qui auront plus d’impact et qui feront plus de bruit auprès de l’opinion publique.
Première Urgence Internationale concentre son action de plaidoyer sur les menaces de protection. Celles-ci pèsent sur les personnes qui vivent ou travaillent dans le territoire d’accès restreint près de la frontières à Gaza et à proximité des colonies en Cisjordanie. Nous dénonçons par exemple le fait que les ressortissants de ces territoires n’ont pas accès à leurs moyens de subsistance ou aux services de base. Dans ces zones, leur sécurité est constamment mise en péril. Nous rappelons sans cesse le droit à la vie, à la liberté de mouvement, au travail et à la santé.
Quels sont les outils qui permettent d’appuyer ce plaidoyer ?
Notre rôle en tant que chargés de plaidoyer est d’informer les bailleurs et les décideurs politiques pour que les choses évoluent. Nous documentons la situation en collectant des données et des témoignages des personnes affectées. Le chargé de plaidoyer est porteur d’un message fort et d’histoires bien souvent émouvantes. Être chargé de plaidoyer c’est travailler tous les jours pour réaliser des changements structurels. C’est passionnant mais parfois éprouvant dans un tel contexte.
Est-ce que tu penses que les choses vont évoluer dans le bon sens ?
C’est difficile à dire. Mais je pense surtout que les derniers développements sur le terrain à Gaza et en Cisjordanie sont très inquiétants. Notre action de plaidoyer reste aujourd’hui malheureusement indispensable dans le pays.
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