Paris, le 9 décembre 2015
Objet : mise en œuvre de l’étiquetage des produits des colonies israéliennes et langage européen sur la différenciation entre Israël et les Territoires occupés
Monsieur le Ministre des Affaires étrangères,
Le 11 novembre 2015, la Commission européenne a publié une notice interprétative sur l’indication de l’origine des produits des territoires occupés par Israël depuis juin 1967, venant clarifier la législation commerciale européenne existante.
La Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, la FIDH, Attac France et le Réseau Euromed France, réunies au sein de la campagne « Made in Illegality », accueillent positivement cette annonce qui correspond à l’une de leurs demandes fortes.
En effet, lorsqu’elles seront pleinement appliquées, ces lignes directrices permettront aux consommateurs européens de pouvoir faire la distinction entre les produits qui proviennent de l’intérieur des frontières internationalement reconnues d’Israël et ceux provenant des colonies illégales, installées dans le Territoire palestinien ou dans le Golan occupés. Il s’agit d’un nouveau pas important vers l’exclusion des colonies israéliennes dans les relations bilatérales entre l’UE et Israël qui s’inscrit dans la suite des lignes directrices publiées en juillet 2013 qui rendent les entités israéliennes établies dans le Territoire palestinien occupé, ainsi que tout projet mené dans ce territoire, inéligibles aux subventions, prix et instruments financiers financés par l’Union européenne.
Depuis plusieurs années, la société civile demandait la publication de telles précisions sur l’étiquetage différencié des produits des colonies israéliennes. Nous savons que la France a été particulièrement active sur cette question auprès de l’Union européenne.
Maintenant que la disposition est claire, nous attendons de notre gouvernement une mise en œuvre rapide de ces dispositions en France, comme la notice explicative le prescrit afin que les opérateurs économiques français respectent sur ce point la législation commerciale européenne. Nous vous demandons à cet égard quelles mesures concrètes vous comptez prendre et dans quel délai.
Par ailleurs, nos organisations ainsi que de nombreuses organisations et personnalités palestiniennes et israéliennes, saluent cet engagement plus fort et plus concret de l’Union européenne mais ne le considèrent que comme un premier pas pour le respect du droit international.
Les consommateurs européens ne devraient pas avoir à assumer la responsabilité de décider si oui ou non ils souhaitent soutenir colonies illégales à travers l’achat de biens et de produits. Au regard de leurs obligations internationales en matière de droits humains, l’UE et ses États membres doivent prendre des mesures plus fortes afin de ne pas reconnaître et contribuer au maintien des colonies illégales. Nous appelons à des mesures supplémentaires pour assurer la différenciation entre Israël dans ses frontières de 1967 et les Territoires occupés :
• Le gouvernement français doit faire en sorte que les produits des colonies soient interdits d’entrée en France dans le respect de ses obligations internationales de « respecter et faire respecter » les termes de la Quatrième Convention de Genève et de l’avis consultatif de la CIJ sur le mur de séparation de 2004, qui interdisent la colonisation et font obligation de « ne pas prêter aide ou assistance » au maintien de cette situation illégale. Or le commerce avec les colonies israéliennes ne fait que renforcer leur viabilité et doit donc être empêché. Un premier pas a déjà été fait par l’Union européenne avec l’interdiction d’importation des produits d’origine animale issus des colonies, y compris des volailles, des œufs et des produits laitiers. Il doit être généralisé à tous les produits des colonies.
• L’État français qui a publié, en juin 2014, un avis aux entreprises les alertant des risques à investir dans les colonies, doit également aller plus loin pour que l’ensemble des entreprises cessent immédiatement toute relation commerciale et d’investissement avec et dans les colonies, dans le respect du droit international et des Principes directeurs des Nations unies sur les entreprises et les droits de l’Homme.
Enfin, nous attendons que l’Union européenne affirme plus fortement encore sa volonté de faire une distinction entre Israël dans ses frontières reconnues internationalement et les Territoires occupés (Cisjordanie, Bande de Gaza, Jérusalem-Est, Golan). Le prochain Conseil des Ministres des Affaires étrangères de l’UE se tiendra le 14 décembre prochain. Il s’agit d’une occasion pour que soit affirmé de manière forte le principe de non-souveraineté d’Israël sur les Territoires occupés et la nécessité d’une différenciation entre Israël et les Territoires occupés dans tout accord et relation de l’UE avec Israël. La France, qui a porté la question de l’étiquetage au niveau européen, peut s’y faire le porte-parole pour une évolution dans le langage européen.
Nous souhaiterions vous rencontrer pour en discuter.
Dans l’attente de la suite que vous donnerez à notre requête, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération.
Claude Léostic, Présidente de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine
Karim Lahidji, Président de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH)
Nacer El Idrissi, Président du Réseau Euromed France
Attac France
Lire aussi le courrier envoyé à Emmanuel Macron, ministre de l’Economie.
Devant l’absence de réponse sur cette question cruciale, les deux ministres ont été relancés le 15 janvier 2016. Lire la réponse de Monsieur E. Macron.
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