Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine

Introduction à l’Assemblée générale de la Plateforme le 28 juin 2014

30 juin 2014 - Claude Léostic

L’an passé, notre AG se tenait 20 ans après les accords d’Oslo et la création de la Plateforme, un an après l’admission de la Palestine à l’ONU - comme Etat observateur non membre de plein droit. Cette année, les Nations unies ont décrété 2014 année de solidarité avec les Palestiniens.

Alors, en 2014, 10 ans après le décès inexpliqué du premier président palestinien, Yasser Arafat, symbole de la résistance palestinienne, 10 ans après la décision de la CIJ statuant sur l’illéicité du mur que les autorités israéliennes construisent en Cisjordanie occupée, sous prétexte sécuritaire, et après 10 ans de colonisation ininterrompue, où en sommes nous ?

La colonisation israélienne de la Palestine, reconnue comme illégale par le droit international et une grande majorité d’Etats dont la France (comme l’UE), est un obstacle majeur à toute solution politique au conflit colonial qui frappe la Palestine depuis 66 ans, sans parler du mandat colonial britannique qui le précédait. Pourtant elle perdure, s’accentue même de façon continue et aucune instance politique ou économique nationale ou internationale ne s’y oppose dans les faits.

C’est la partie palestinienne qui en a mis l’importance en évidence en refusant, pour cette raison, de poursuivre les négociations dites de paix avec les autorités israéliennes il y a 4 ans. L’été dernier, sous pression états-unienne, et malgré une opposition grandissante de la population palestinienne à ces négociations qui n’ont jamais abouti qu’à plus de concessions exigées des Palestiniens, des contacts ont repris qui devaient déboucher fin avril sur un acccord-cadre. L’un des paramètres était la question des prisonniers et leur libération. Des accords d’Oslo découlait la libération de centaines de prisonniers en plusieurs étapes. La dernière, de 26 détenus, devait avoir lieu en avril 2014 mais la partie israélienne a refusé d’y accéder, brisant ainsi un engagement signé. L’Autorité palestinienne, pressée par son opinion dont elle semble de plus en plus coupée, a alors décidé de se tourner vers les Nations unies, ce qu’Israël ne veut à aucun prix. Les discussions ont été interrompues par Israël.

Dans la même période, des prisonniers palestiniens en détention administrative ont lancé une grève de la faim –massivement soutenue par le peuple- à laquelle se sont joints des dizaines d’autres détenus sur les quelque 5000 Palestiniens alors emprisonnés. Cette grève qui vient de se terminer pour une partie d’entre eux a duré environ 60 jours et la santé de nombreux grévistes est très détériorée. Le parlement israélien a voulu voter une loi permettant l’alimentation forcée des grévistes. Petite victoire des défenseurs des droits humains dont nous sommes, sous pression du public, y compris de médecins en Israël, le vote de cette loi qui validerait la torture a été repoussé. Néanmoins les conditions de détention ne changent pas et les autorités pénitentiaires israéliennes annoncent des représailles contre les prisonniers, par exemple le refus qu’ils perçoivent leur argent ou qu’ils reçoivent des visites de leurs familles.

Autre point de blocage : Gaza. Le blocus israélien ne se relâche pas et la situation politique en Egypte ne permet pas encore de savoir si l’étranglement côté égyptien va diminuer, bien qu’on annonce le retour d’observateurs internationaux à Rafah. Gaza vit toujours une situation de pénurie, d’emprisonnement et d’oppression débouchant sur des risques sanitaires et humanitaires très graves. Les attaques récurrentes des forces militaires israéliennes, en mer ou sur terre, intensifient les difficultés, notamment la dépendance alimentaire . Une action de solidarité internationale, dans la lignée des Flottilles de la Liberté, est confirmée malgré l’attentat qui a frappé le navire dans le port de Gaza le 29 avril. En prenant la mer à partir de Gaza vers le monde extérieur, elle veut dénoncer le blocus et lancer un message crucial : les Palestiniens de Gaza ont le droit de vivre, se déplacer et commercer comme tous les peuples du monde !

Mais en 2014, la Palestine séparée politiquement et géographiquement depuis 2007, montre à nouveau un visage uni devant la politique coloniale israélienne : une réconciliation politique –très attendue par les Palestiniens- vient enfin de voir le jour. Si elle a une véritable chance d’aboutir c’est parce que cette fois il s’agit d’un accord entre le Hamas, qui dirige la bande de Gaza, et l’OLP, représentante de tous les Palestiniens, mais dont le Hamas, créé plus tard, ne fait pas partie. Cet accord a permis la création d’un gouvernement d’union en charge des affaires courantes dans l’objectif d’élections dans les 6 mois. Le président Abbas, élu par défaut en 2005 après la disparition de Yasser Arafat, aujourd’hui très déconsidéré et âgé, ne se représenterait pas . La suite politique reste très incertaine.

Mais cette unité nationale retrouvée change la donne concernant Gaza, présentée depuis 2005 comme « entité hostile » par Israël et dont le gouvernement Hamas n’est pas reconnu à l’étranger contrairement à l’Autorité palestinienne en place en Cisjordanie, dont le président a dès le début misé sur l’option états-unienne. Le blocus de la bande de Gaza ,passée sous gouvernement national palestinien, illégal parce que punition collective, entrave aux droits fondamentaux à la santé, l’alimentation, l’éducation etc .et au droit de se déplacer librement, ne peut plus trouver de justification.

C’est la création de ce front uni des Palestiniens sous occupation qui a déclenché les violentes réactions israéliennes en cours, politiques et militaires, de la rétention des taxes palestiniennes aux attaques militaires.

Sous prétexte de la disparition de 3 jeunes colons israéliens en Cisjordanie, en zone C contrôlée totalement par Israël, les autorités israéliennes viennent de déclencher une offensive massive contre les Palestiniens de Cisjordanie, tout en attaquant Gaza (bombardements et incursions terrestres). Depuis près de 15 jours se succèdent les raids de jour comme de nuit, les arrestations par centaines, les exactions contre les civils, les mises à sac des maisons et des biens, le bouclage des villes comme à Hébron. Est-il nécessaire, pour retrouver ces jeunes colons, de tout détruire dans une maison, de terroriser de jeunes enfants, de faire une douzaine de morts et des dizaines de blessés ? Cette offensive – qui rappelle l’opération dite « Rampart » de 2002- est une punition collective, illégale, une de plus, infligée aux civils palestiniens.

Il se peut bien sûr que ces jeunes colons aient effectivement été capturés par la résistance palestinienne qui aurait choisi là un moyen que la communauté internationale ne reconnaitra pas, même si, comme le dit la députée palestinienne d’Israël ,Haneen Zohabi, on peut comprendre que des résistants utilisent les rares « armes » à leur portée contre un occupant très puissant et protégé par des alliés redoutables. Le gouvernement israélien, qui accuse le Hamas de cette disparition, ce que celui-ci dément formellement, prétend avoir identifié des Palestiniens d’Hébron en lien avec l’enlèvement supposé des colons. Manipulation de services de sécurité ou opportunité, ce qui est en jeu vraisemblablement dans cette attaque barbare menée par l’armée israélienne, c’est la fin de l’unité palestinienne, la rupture entre Abbas et le Hamas, la re-diabolisation de ce dernier et une tentative de restaurer l’image bien ternie d’Israël, faisant de la puissance coloniale criminelle une victime.

En tout état de cause, les accords sécuritaires signés entre les Palestiniens et Israël impliquent que la police palestinienne a des ordres de l’ANP pour laisser faire la répression ou, (au) pire, pour réprimer les manifestations palestiniennes. Tout en promettant d’en appeler à l’ONU, la présidence palestinienne se conforme à ces accords, au risque de détériorer encore son image auprès des Palestiniens. On dit que dans les postes de police, le moral est au plus bas...

Ces quelques points que j’ai choisi de développer sont un tableau incomplet bien sûr (je n’ai pas abordé la question de Jérusalem, des réfugiés ou de la vallée du Jourdain, de l’économie palestinienne ou encore de la situation interne en Israël, du contexte régional et international délétère, par exemple) d’une situation très complexe où pour la Plateforme une ligne reste évidente : l’exigence de l’application du droit international - qu’il s’agisse du blocus de Gaza, de la colonisation de la Cisjordanie, de l’exigence de l’Etat de Palestine, des droits humains des Palestiniens, des réfugiés, des prisonniers. Sur tous ces points nous avons des engagements forts. Exigence aussi que nos dirigeants fassent appliquer ce droit dont ils sont supposément garants, en tant que représentants d’un Etat partie de toutes les conventions internationales et accords et tenu de les faire appliquer. Sans parler des valeurs historiques de la République française et de son triple credo.

C’est ce à quoi nous, Plateforme, nous appliquons résolument. En 2013 nous avons confirmé notre soutien à la société civile palestinienne à laquelle nous ne nous substituons pas mais que nous accompagnons dans ses revendications politiques, sociales et économiques, contre l’occupation et la colonisation. 2014 n’est pas différent.

Claude Léostic, présidente de la Plateforme, 28 juin 2014



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